It’s all about hair: quand le cheveu “AFRO” met les femmes noires dans tous leurs états

Il ne se passe pas un jour sur les réseaux sociaux sans qu’on ne tombe sur des statuts, des commentaires ou encore des vidéos jetant le discrédit sur les femmes noires qui portent leurs cheveux autrement qu’au naturel. Pour leurs auteurs , faire le choix du défrisage, des colorations chimiques ou encore des coiffures protectrices avec rajouts serait un crime de lèse majesté, voire un déni de nos origines.

Derrière cette ségrégation capillaire (le mot est peu fort j’avoue mais avouez qu’on n’en est pas loin…), une histoire qui avait pourtant bien commencé.

Tout débute dans les années 50, où la coiffure afro devient le symbole du mouvement pour les droits civiques et l’affirmation culturelle des noirs aux Etats-Unis. Un symbole du refus de l’assimilation, du refus de se plier à la dictature de l’époque qui voulait que les noirs se lissent les cheveux pour mieux se fondre dans la masse. Cette coiffure était alors portée aussi bien par les femmes que les hommes. Cette revendication idéologique et culturelle va continuer et prendre de l’ampleur vers la fin des 60 avec la naissance du Black power aux Etats unis. Le slogan d’alors était “Black is beautiful” fut politisé par des mouvements tels que la Nation of Islam  ou encore les mythiques Black Panthers dont Angela Davis fut l’ icône féminine.

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Vers la fin des années 70, après la reconnaissance des droits civiques, la coiffure afro va entrer dans les mœurs pour devenir une coiffure à part entière. Ce qui tombait bien car elle convenait parfaitement avec la mode dynamique de l’époque qu’était les tendances hippies et disco.   Je me souviens d’ailleurs de ces photos de mes parents qui me faisaient envie tellement leurs vêtements étaient décalés et leurs afros sublimes.

Pourtant, le cheveu va perdre son aspect symbolique et politique pour devenir un simple accessoire de mode. Au milieu des années 80 l’Afro va donc de nouveau disparaître au profit de styles capillaires tels que le défrisage (qui aura également eu sa période de gloire entre la fin des années 50 et le début des années 60), du curly, des perruques ou encore tresses et des locs qui redevinrent  des tendances. Ceci grâce à la médiatisation qui en est faite par les stars de l’époque.

Pour la gente féminine afro-caribéenne ces nouveaux styles capillaires furent pendant plusieurs années le modèle par excellence non seulement à cause de la facilité qu’ils entraînaient, mais aussi et surtout l’aspect plus “soigné” qu’il donnait au cheveu, leur permettant ainsi de se fondre dans la masse aussi bien aux Etats Unis qu’en Europe, puis les flux migratoires aidant, aux Antilles et en Afrique Subsaharienne.

La renaissance du port de l’afro et des cheveux au naturel dans les années 2000, va marquer une nouvelle ère pour cette coiffure, car ce qui était autrefois le signe d’une revendication, va devenir une tendance et s’installer pour devenir un style capillaire à part entière. Nombreuses seront alors les jeunes femmes qui vont se lancer dans l’aventure en partageant leur expérience sur les réseaux sociaux , d’abord aux Etats Unis, puis peu à peu en Europe. Je pense notamment à Curly NikkiTaren Guy,  Simplyounique, les soeurs Vaughn, Fatou Ndiaye du blog Blackbeautybag et toutes ces jeunes femmes qui ont redonné au cheveu crépu ses lettres de noblesse .

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fatouC’est ainsi que de nombreuses  femmes noires et métissées ont su trouver l’envie de se réapproprier leurs codes de beauté, redécouvrir, aimer et mettre en valeur leurs boucles crépues et frisées. Désormais conscientes de leur énorme potentiel  et de l’infini de possibilités que leur chevelure offre, beaucoup d’entre elles portent fièrement aujourd’hui leurs boucles de coton aussi bien dans la sphère privée que publique.

Depuis lors, de belles initiatives telles que le Afro hair Show à Londres, la Natural Hair Academy,  et le Salon Boucles d’Ebène en France,  Luv & Learn your hair à Londres, aux Etats unis et en Hollande ainsi que bien d’autres à plus petites échelle ont vu le jour. Ces réunions capillaires ont permis de pérenniser cette mouvance plus que positive qui encourage les femmes noires et métissées  à s’accepter telles qu’elles sont, mais aussi , surtout à sublimer tous ces atouts ethniques (cheveux, peau) qui font leur particularité.

Plus qu’une tendance, bien plus qu’un symbole d’un combat, le cheveu naturel est aujourd’hui rentré dans les mœurs pour devenir un style capillaire qui fait envie. Mais surtout avec une culture propre, qui a bouleversé l’industrie cosmétique et le rapport des femmes en général vis à vis de leur apparence. Là où Les femmes aux cheveux crépus étaient limité autrefois à n’utiliser que des produits de coiffure destinés aux cheveux de type caucasien ou ayant pour ambition de transformer leur structure capillaire, on retrouve aujourd’hui une multitude de crèmes, masques, shampoings et j’en passe spécialement destinés à l’entretien des cheveux naturels.

Malheureusement, ce mouvement a poussé de nombreuses jeunes femmes, sous prétexte de leur nouveau statut de big chopées ou de transitionneuses à s’ériger en évangélisatrices, voire en juge  de la conformité aux valeurs ethniques et/ou communautaires. Certaines vont même jusqu’à verser dans la moquerie ou l’insulte à l’égard de ces femmes “bounty” ou “aliénées” qui ont fait un choix différent du leur. Elles ne s’arrêtent pas là et n’hésitent pas à donner une image parfois fausse des femmes défrisées ou coiffées avec des rajouts.

Porter le cheveu crépu est il tendance?  Certainement quand on voit des artistes comme Solange Knowles ou encore Lupita Nyongo’o émerveiller la planète et nous faire honneur en représentant la femme noire par un style capillaire original/nel. Ou encore quand on voit tout le potentiel dont regorge le cheveu crépu. Je suis la première à baver sur ces chevelures de coton et toutes les possibilités qu’il offre en termes de coiffure et de créativité.

Seulement comment expliquer qu’une question si intime que le choix de sa coiffure, de son style capillaire puisse diviser une communauté et en stigmatiser une partie. Pourquoi certaines d’entre nous ne pourraient-elles pas avoir des envies de changement à certains moments. Pourquoi devrions nous être toutes pareilles?

La vérité est même si le retour au naturel représente pour certaines un cheminement long et pénible d’acceptation de soi, un retour aux sources comme diraient certaines,  il n’en reste pas moins que le cheveu ne nous définit pas. D’ailleurs a-t on déjà vu une jeune femme se présenter à un inconnu en disant ” je m’appelle X.. et je suis naturelle/défrisée/locksée”?  La vérité est que le cheveu, nos coiffures représentent notre humeur du moment, nos envies.

Par ailleurs la femme afro-caribéenne n’est pas différente des autres car, quelle que soit la couleur de notre peau, cette envie de passer du lisse ou bouclé, du  long au court, du blond au brun, d’un afro à des tresses (ainsi de suite..) fait partie de la complexité féminine .

De plus la femme afro- caribéenne est connue pour sa diversité. Autant il y a  une multitude de carnations, d’ethnies et de cultures afro-caribéennes, autant notre perception de nous et de notre rapport à nos cheveux est différente.

Personnellement, j’ai du mal à comprendre qu’on demande aux femmes noires et métissées de se défaire complètement de ce qui a toujours fait leur particularité: cette capacité de se métamorphoser à l’infini du point de vue capillaire. Les tresses, les rajouts, sont devenues propres à nos cultures avec la pratique au cours des siècles. D’ailleurs mon homme aime bien dire que nous sommes des femmes caméléon…

Le port des cheveux au naturel ne saurait donc en aucun cas être le seul signe l’acceptation de ses origines. Car pour s’accepter, il faudrait être ouvert et accepter la différence…Ce serait absurde de définir un individu en ne se fiant qu’à son apparence physique.

Pour résumer, à une époque où se côtoient différents styles de coiffures (défrisage, tissage, cheveux naturels, tresses, etc) et bien que le cheveu prenne beaucoup de place aujourd’hui dans la communauté féminine noire, il reste avant tout une extension de désirs personnels. En d’autres termes,  le prolongement de notre image corporelle et de l’apparence qu’on a envie de se donner. De ce fait, il est un accessoire de beauté, une vision qui devrait relever d’ un choix personnel et intime pour chaque femme.  C’est d’ailleurs pourquoi il symbolise notre rapport à notre féminité dans bien des cultures et ne saurait être un critère qui définit notre manière de penser et notre rapport aux autres.

La femme noire est plurielle, intemporelle et surtout c’est une femme qui loin d’être figée, se métamorphose selon ses envies, la mode, et les tendances. C’est une femme qui a besoin de tester,  de se réinventer au même titre que toutes les autres.

Alors qu’on soit de la team naturelle, team défrisée, Team transition ou encore de la team rajouts,  notre luxe commun, c’est de pouvoir choisir!!!

<3 Don’t be your hair, be the girl who’s having fun with it <3

Thegirlzlifemagazine

Photos: ©theredlist.com©purepeople.com, © flavor-magazine.com,© jimihendrix.com© rwrant.co.za©capitalistpig.com©nhaparis.com©blackbeautybag.com – Tous droits réservés

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10 Comments

  1. Nyango d Bana
    juillet 11, 2014 / 15 h 11 min

    Hum mama tu as PARLER hein?!!! heinchheuuu faut que je vienne vite te voir que je dépose ma part parce que depuis là je te dois mais tour ci hein CLAP CLAP CLAP seulement les mots sont finis dans ma bouche! BRAVO ET FIERE DE TOI SISTA!

    • juillet 11, 2014 / 18 h 38 min

      Hum la mère ci tu veux me faire pleurer ou quoi… Merci merci de rester fidèle au blog et hate de te voir en vrai.

      Bisous

  2. Déborah
    juillet 10, 2014 / 13 h 31 min

    Merci pour cet article non seulement très bien écrit et qui plus est très intéressant. Pas plus tard qu’hier d’ailleurs, je discutais de ce sujet avec mon compagnon et lui expliquais mon agacement face à cette nouvelle injonction ” Be nappy” érigée comme une nouvelle philosophie de vie ! Je suis donc ravie de pouvoir lui montrer que je ne suis pas la seule à penser ainsi.

    Très bonne continuation et au plaisir de vous lire régulièrement.

    • juillet 10, 2014 / 22 h 02 min

      Coucou Deborah,
      Merci pour ce gentil mot. Votre compagnon ne doit pas y comprendre grand chose. Le mien lèves toujours les yeux au ciel quand je lui parle de toutes ces questions capillaires 😉

      A bientôt

  3. A.
    juillet 10, 2014 / 13 h 19 min

    très bien écrit, une touche sérieuse tout en gardant de la distance…et en ajoutant de l’humour, moi chui un mec et je pense qu’ il faudrait aussi parler des coiffures pour hommes mais bon chui peut être pas sur le bon site :p
    En tout cas j’espère que certaines dictatrices du cheveu vont arrêter de se croire au temps de inquisition en lisant çà..

    • juillet 10, 2014 / 21 h 57 min

      Hello A,
      Merci pour ton retour au sujet de mon article. J’espère qu’il fera comprendre à certaines que le cheveu est avant tout une affaire qui devrait rester fun et non pas créer des prises de tête inutiles.
      J’aimerais pouvoir parler de l’entretien des cheveux des hommes mais malheureusement je n’y connais pas grand chose 😉 .

  4. Chaloux
    juillet 9, 2014 / 13 h 54 min

    ” La vérité est que le cheveu, nos coiffures représentent notre humeur du moment, nos envies. ”

    ma chérie, tu bois quoi ?

    ton histoire de curly m’a ramené longtemps en arrière !
    mdr
    je revois mes tantes avec de jolies boucles bien brillantes !
    souvenir-souvenir !

    bel article !
    j’aime beaucoup

    • juillet 9, 2014 / 13 h 57 min

      Hahaha Chacha est ce que j’ai menti? Je ne comprend pas toutes les passions que le cheveu déchaîne chez certaines 😉

      En écrivant cette article j’ai moi même fait un retour dans le passé mdr. Je suis tombée sur des vieilles photos qui m’ont rappelé trop de souvenirs. Nostalgie quand tu nous tiens 😉

      Merci pour ton retour!!!

      • Magique
        juillet 9, 2014 / 16 h 51 min

        Tu as un blog beauté, tu fais un article sur les cheveux, tu vois autour de toi combien les femmes noires dépensent sur leurs cheveux, etc., mais tu dis ne pas comprendre les passions que les cheveux déchainent?

        De plus, je ne suis pas trop d’accord. Etre naturelle ne veut pas dire ne pas porter des rajouts ou des tissages, ca ne veut pas dire ne pas être versatile et avoir toujours la même coiffure sur la tête.

      • juillet 9, 2014 / 22 h 36 min

        Coucou Magique et bienvenue par ici.

        Quand je dis que je ne comprend pas les passions que déchaîne le cheveu je fais de l’ironie.
        Loin de moi l’idée de vouloir imposer ma vision aux autres. Je pense tout simplement que chaque femme noire devrait se sentir libre de choisir son style capillaire sans devoir craindre de se faire insulter par ses congénères. C’est le principe même de la liberté.
        Pour ce qui est d’être naturel encore une fois, il s’agit d’un concept complètement subjectif car ce qui est naturel pour toi ne l’est pas forcément pour moi et vice versa. A aucun moment je ne dis qu’être naturelle veut dire porter des rajouts… mais plutôt que ce n’est pas parce qu’on l’est qu’on ne peut pas en porter. Nuance.
        Et puis que veut dire être naturelle au fond? Dans cette société y a t il vraiment quelqu’un qui l’est à 100%? Une fille qui porte ses cheveux crépus et qui met une crème issue du commerce ou encore du rouge à lèvres est elle réellement naturelle?

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